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Un été sans algues bleues?

Notre trésor collectif

Quelle que soit leur spécialité, tous les experts s'entendent pour dire que chacun de nous a un rôle à jouer dans la préservation des cours d'eau. Cette ressource vient d'ailleurs d'être reconnue, l'été dernier, à titre de trésor collectif, les cours d'eau du Québec représentant 3 % des réserves d'eau de la planète. La ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs, Line Beauchamp, a déposé, en juin dernier, un projet de loi sur l'eau qui reconnaît le caractère collectif des ressources en eau du Québec. Cette loi vise à empêcher qu'une entreprise puisse tirer profit d'une source d'approvisionnement en eau au détriment de l'environnement. Cela a de quoi nous rassurer sur notre capacité à protéger notre ressource, d'autant plus qu'on évalue que les problèmes d'approvisionnement en eau de la planète constitueront sans contredit l'un des plus grands enjeux du XXIe siècle.

Une eau plus propre qu'elle l'était il y a 30 ans

Roland Leduc est professeur au Département de génie civil de l'Université de Sherbrooke.
Roland Leduc est professeur au Département de génie civil de l'Université de Sherbrooke.

La qualité de notre eau potable et de nos cours d'eau s'est grandement améliorée depuis 30 ans, selon des experts – biologistes, ingénieurs, environnementalistes. On oublie que, à la fin des années 70, de nombreuses rivières québécoises ainsi que le fleuve Saint-Laurent étaient dans un état désastreux. Nous étions alors bien loin des préoccupations environnementales actuelles. À l'époque, nos cours d'eau figuraient parmi les plus pollués du monde. Comme le souligne Roland Leduc, qui est professeur au Département de génie civil de l'Université de Sherbrooke (UdeS) et spécialisé dans le domaine du génie de l'environnement, «avant les années 80, il n'y avait pas de programme national d'assainissement des eaux. On comptait seulement 85 ou 86 stations d'épuration. Les égouts se déversaient directement dans le Saint-Laurent et dans les rivières». Moins de 2 % de la population desservie par des réseaux d'égout bénéficiait alors de stations d'épuration.

Le problème était dû en partie à la gestion municipale des eaux usées, mais également aux pratiques polluantes des entreprises. Chaque année, les industries québécoises rejetaient dans le fleuve et ses affluents des milliers de tonnes de déchets industriels contenant des métaux lourds hautement toxiques, tels que du plomb, du chrome et du mercure, ainsi que d'autres produits cancérigènes. Des pratiques d'agriculture favorisant l'érosion des sols, les activités de flottage du bois des papetières, l'utilisation quasi généralisée de pesticides et le déboisement des berges ont également contribué à la dégradation des environnements aquatiques. Résultat : la baignade, les activités nautiques et la pêche étaient devenues pratiquement impensables dans plusieurs plans d'eau de la province. Mais les gens se baignaient quand même, inconscients des dangers car, à l'époque, les préoccupations environnementales étaient inexistantes.

Depuis, une série de mesures visant à améliorer la qualité de l'eau ont été adoptées par les gouvernements successifs. Parmi celles-ci, notons l'adoption de règlements applicables aux industries des pâtes et papiers et du raffinage du pétrole, ainsi que la mise en œuvre du Programme d'assainissement des eaux du Québec, en 1978, lequel prévoit notamment la construction et l'amélioration de stations d'épuration. Ce programme et ses successeurs ont amené à faire des investissements de plus de sept milliards de dollars et ont permis d'augmenter à environ 98 % la proportion de la population desservie par des réseaux d'égout et bénéficiant de stations de traitement des eaux usées.

Le Québec a donc fait de grands pas depuis les années 70, époque durant laquelle on semblait croire que l'eau était une ressource inépuisable. Mais il reste encore beaucoup à faire. Malgré les améliorations phénoménales apportées au cours des 30 dernières années, les eaux usées constituent toujours, selon Environnement Canada, un facteur important de dégradation de l'habitat aquatique et de détérioration des eaux utilisées à des fins récréatives. D'importantes mises à niveau doivent donc être apportées à plusieurs installations de traitement. «La population a augmenté, et la plupart des stations d'épuration, construites il y a 20 ans et plus, roulent à pleine capacité», explique le professeur Roland Leduc.

Aussi, certaines industries émettent encore des rejets toxiques dans l'environnement qui pourraient affecter la croissance et le système reproducteur des poissons, des amphibiens et, éventuellement, des humains. «Il s'agit de perturbateurs endocriniens qui interfèrent avec les systèmes vivants. Il faut donc cibler les substances en cause et mettre sur pied des méthodes de traitement pour les industries qui les émettent. L'objectif est de réduire les concentrations de ces substances dans les effluents», précise M. Leduc, qui participe à des recherches sur le sujet. Il ajoute par ailleurs que les effets du mélange de plusieurs perturbateurs sont encore peu étudiés à l'heure actuelle.